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Marie Barbey-Chappuis, le goût de l’effort

SYLVIA REVELLO @sylviarevello La semaine prochaine: Glenda Gonzalez Bassi, Bienne

«En tant qu’élu·e, on est dans le concret, il faut incarner la fonction, la proximité, être sur le terrain»

Tous les cantons romands, sauf le Jura, ont renouvelé leurs autorités ces derniers mois. Plus de femmes, plus de jeunes, plus de personnes issues de la migration ont été élues. «Le Temps» dresse six portraits, à retrouver chaque samedi de l’été. Rencontre avec des municipaux dont le rôle est essentiel, mais qui ne font pas toujours la une de l’actualité. Après Morges et Bulle, voici Genève, puis, Bienne, Sierre et Neuchâtel.

NOUVEAUX MUNICIPAUX (3/6) Elue en pleine pandémie, la magistrate PDC dirige le Département de la sécurité et des sports en ville de Genève. Un poste de terrain pour lequel cette ancienne footballeuse est à l’écoute des tracas quotidiens des Genevois

Lutte contre les déchets sauvages, promotion des sports urbains, réforme du service d’incendie et de secours ou encore création de nouveaux marchés: la magistrate PDC Marie Barbey-Chappuis n’a pas chômé depuis son élection en mai 2020. En pleine pandémie, la jeune femme de 40 ans a pris la tête du Département de la sécurité et des sports dirigé précédemment par Guillaume Barazzone, lui aussi PDC. Seule représentante de la droite dans un exécutif de gauche, elle a su imprimer sa marque politique avec une recette: occuper le terrain.

Comme ses collègues nouvellement élus, Marie Barbey-Chappuis accède à l’exécutif avec la volonté de regagner la confiance de la population, mise à mal depuis l’affaire des notes de frais. Plus que jamais, il apparaît crucial de casser l’image des magistrats cloîtrés dans leur tour d’ivoire, déconnectés des besoins, parfois triviaux, du quotidien.

«Entrée en fonction inédite»

Marie Barbey-Chappuis le répète à l’envi, elle s’est «construite par le sport». Football, ski ou encore tennis et athlétisme: autant de disciplines qui lui ont appris le goût de l’effort. Parachutée à la tête de 1200 collaborateurs pour son premier mandat électoral, celle qui a commencé sa carrière dans l’administration cantonale n’a pas bénéficié de tour de chauffe. «On ne peut jamais totalement se préparer à prendre ce genre de poste. La pandémie a rendu mon entrée en fonction encore plus inédite», sourit-elle, installée dans son bureau rue de l’Hôtel-de-Ville. C’est donc en mode gestion de crise que la jeune femme, mère de deux enfants, fait l’apprentissage de la fonction. «Le point positif, c’est que la pandémie a soudé l’exécutif, nous étions tous dans le même bateau.»

Travailler aux côtés de quatre magistrats de gauche, une sinécure? A en croire Marie Barbey-Chappuis, cela y ressemble. «Au sein d’un collège communal, on n’est pas uniquement dans le rapport de force, mais aussi dans les rapports humains», estimet-elle, tout en soulignant que cela ne l’empêche pas de marquer sa différence sur certains sujets, le parking de Clé-de-Rive, notamment, qu’elle a soutenu contrairement à ses collègues. «En tant que magistrate de droite, mon but est aussi de rapprocher le Conseil administratif des milieux économiques qui ont longtemps été délaissés», plaide-t-elle, soulignant que Genève a souvent tendance à penser que son attractivité est acquise. Pour soulager les restaurateurs cet hiver, elle a notamment fait passer une exonération de taxes ainsi qu’une extension des terrasses. «J’ai aussi contribué, avec mes collègues chargés des Finances et du Numérique, à la création d’une délégation à l’économie qui a lancé l’action des bons d’achat pour les commerçants locaux.»

On la dit constructive, rassembleuse et facile d’accès. Des qualités nécessaires pour gouverner à l’échelon communal. «En tant qu’élu·e, on est dans le concret, il faut incarner la fonction, la proximité, être sur le terrain», estime celle qui a multiplié les immersions depuis son entrée en fonction. Nuisances sonores, déchets ou encore trottinettes sur les trottoirs: les Genevois ne se privent pas de lui relayer leurs soucis quotidiens, mais lui font aussi part du plaisir qu’ils ont à aller faire leurs emplettes au nouveau marché du coin. «On reçoit à la fois des retours positifs et des critiques, ça fait partie du jeu», sourit-elle. De fait, contenter tout le monde se révèle souvent impossible. «En matière d’animation et de tranquillité publique par exemple, il n’y a pas de solution idéale. Les habitants ont envie de pouvoir manger en terrasse mais les riverains ont aussi le droit de pouvoir dormir la nuit.»

Récemment, la magistrate a déclaré la guerre aux déchets qui encombrent l’espace public. Un serpent de mer de la politique communale. Sur la plaine de Plainpalais, le fléau intensifié par les fêtes sauvages a récemment mis les nerfs des habitants à rude épreuve. Pour en venir à bout, Marie Barbey-Chappuis mise sur l’adage éprouvé prévention-répression. «Mon but est à la fois de stimuler le civisme et de lutter contre les incivilités à travers des actions coups-de-poing et des campagnes conjointes entre la police et la voirie, détaille-t-elle. Aujourd’hui, la peur de l’amende n’est pas encore assez présente.»

La police municipale est sans doute l’un des services les plus exposés de son dicastère. Des années que les agents multiplient les débrayages pour demander une revalorisation salariale. Face à la grogne, Marie Barbey-Chappuis joue la carte de l’apaisement. «Je comprends leur impatience, affirme-t-elle. J’ai entrepris des démarches mais l’administration est une grosse machine, les choses bougent lentement.» En attendant, elle tente de valoriser leur action auprès de la population. «Les cafés-rencontres avec les agents, qui ont rencontré un joli succès l’été dernier, vont reprendre en septembre, détaillet-elle. Les gens apprécient la proximité, reconnaître les visages qui patrouillent près de chez eux les rassure.» Autant de raisons pour lesquelles elle s’oppose au projet de fusion du corps municipal dans la police cantonale.

Le sport comme mantra

Gouverner en ville, c’est aussi jongler avec les échelles. Alors que certaines de ses politiques publiques ne coûtent presque rien, d’autres sont gigantesques. «D’ici à 2030, Genève va investir 300 millions de francs pour rénover ses infrastructures sportives», se réjouit Marie Barbey-Chappuis. Il était temps. Durant des années, le sport a été le parent pauvre du budget d’investissement, à peine 2 à 3%. Pour inverser définitivement la tendance, un nouveau centre devrait être inauguré aux Eaux-Vives en 2024. L’aménagement de la halle de tennis du Bois-des-Frères ainsi que la rénovation du centre sportif du Bout-du-Monde suivront.

Comme un mantra, le sport a longtemps rythmé son quotidien. «On a vu durant le covid à quel point il est essentiel, souligne Marie Barbey-Chappuis. C’est non seulement un exutoire, mais aussi un prodigieux outil de mixité. Quand on enfile le maillot de son équipe, on oublie son milieu social, sa profession ou son origine.» Au pied de son bureau, des baskets de course côtoient des raquettes de tennis. «Aujourd’hui, je n’arrive plus à en faire autant qu’avant, confesse-t-elle, tout mon temps libre, je le passe avec mes filles.»

La femme du terrain se contentera-t-elle indéfiniment de l’échelon communal ou vise-t-elle plus haut? «Pour l’instant, j’ai beaucoup de plaisir dans mes fonctions, j’ai un impact sur ma ville, sur la vie des gens. Je ne pense pas à l’après», confie-telle avant de retourner à ses dossiers.

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2021-07-31T07:00:00.0000000Z

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