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Florian Philippot, «patriote» cynique

L’ancien dirigeant du FN, écarté par Marine Le Pen après la présidentielle de 2017, sera de nouveau en première ligne ce samedi dans les manifestations anti-vaccins. En priant pour que cette colère populaire le ramène sur le devant de la scène

RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Il sera de nouveau là ce samedi 30 juillet, à battre le pavé au milieu des milliers de manifestants français anti-passe sanitaire et anti-vaccins. Ancien bras droit de Marine Le Pen au Front national dont il a été évincé après la présidentielle de 2017, Florian Philippot, 39 ans, peut dire merci à Emmanuel Macron. La décision du chef de l’Etat français d’imposer l’obligation vaccinale aux soignants d’ici au 15 septembre et d’exiger dans les prochaines semaines le certificat de vaccination (ou un test PCR de moins de 72 heures) dans les lieux publics – principaux points du projet de loi voté le 26 juillet, sur lequel le Conseil constitutionnel doit statuer le 5 août – lui a permis de retrouver un combat «médiatique» et, même, de lancer le 14 juillet sa candidature à l’Elysée. Autour d’un thème: la liberté, dont il se pare à chaque manifestation comme celle du Trocadéro à Paris, le samedi 24 juillet, qui a réuni près de 10 000 personnes.

«Il répond tout le temps. Peu importe le média. Toujours prêt à dérouler son discours. Avec Florian Philippot, c’est open bar»: sept ans après, rien n’a changé dans la manière de fonctionner de cet énarque (promotion Willy Brandt, 2007-2009), inspecteur de l’administration en disponibilité et maître ès brouhaha politique. Son angle d’attaque? La colère populaire, pourtant aux antipodes de son tempérament, de ses habitudes et de sa manière d’être. Toujours courtois, habitué des bonnes adresses parisiennes et roué aux mondanités politiques hexagonales, l’ancien responsable du Front national n’a d’ailleurs jamais vraiment réussi à s’implanter électoralement en Moselle, département sinistré du Grand Est, où il a, le 20 juin dernier, échoué à se faire réélire au Conseil régional. Idem, en 2017, dans la circonscription législative de Forbach, puis aux municipales de 2020. A chaque fois, cet intellectuel, plus doué dans la répartie sur les plateaux que dans l’écoute de ses concitoyens, a payé ce manque de proximité avec la population qu’il cherche aujourd’hui à obtenir, via sa campagne contre le vaccin: «Le parti qu’il a créé après 2017, Les Patriotes, n’a jamais réussi à percer, commentait récemment le spécialiste français de l’extrême droite Jean-Yves Camus. L’avantage de ce combat contre le passe sanitaire est qu’il lui permet de se solidariser avec d’autres…»

«Covidisme» et européisme

Les autres? Plusieurs noms surnagent dont ceux de Jean-Frédéric Poisson, ex-candidat aux primaires de la droite de 2016, Nicolas Dupont-Aignan, qui fut candidat à la présidence en 2017 (4,7% des voix avant de se rallier au second tour à

Marine Le Pen) et rêve de l’être de nouveau en 2022, et même François Asselineau, l’ex-candidat du Frexit dans la course à l’Elysée. Mais attention: contrairement aux apparences, l’implication sanitaire de Florian Philippot n’est pas nouvelle. Depuis le mois d’octobre 2020 et le retour au confinement, l’homme a fait le siège du Ministère français de la santé pour dénoncer ce qu’il estime être un «apartheid social» entre vaccinés et non-vaccinés.

Son calcul est clair: le positionnement du Rassemblement national et de Marine Le Pen sur ce sujet est bien trop raisonnable. Lui veut cogner et surtout agréger des bonnes volontés diverses. Or derrière l’extension du passe sanitaire se cache tout ce qu’il déteste: la libre circulation des personnes, la domination de grands groupes internationaux sur l’économie, l’Union européenne dont cet ancien eurodéputé FN (2014-2019) a toujours été un pourfendeur… «Même s’il est aux antipodes des «gilets jaunes» par son mode de vie, Florian espère récupérer un peu de leur «aura» politique. Il se relégitime dans et par la rue», explique un de ses anciens proches de l’entourage de Marine Le Pen, à la fois admirateur de son cynisme et de sa capacité à se réincarner dans un combat sanitaire et anti-scientifique qui, pourtant, ne lui ressemble guère.

L’emprise du clan Le Pen Florian Philippot, héraut de la liberté individuelle, prompt à surfer aujourd’hui sur les thèses complotistes antivax, est en effet tout sauf un énergumène. Son parcours est plutôt celui d’un méritocrate républicain classique: deux parents enseignants, des attaches provinciales dans le nord de la France assez vite oubliées pour mettre le cap sur la capitale, un diplôme des Hautes Etudes commerciales (HEC), puis l’ENA et un passage politique chez Jean-Pierre Chevènement au début de sa carrière.

Reste la part d’ombre: pendant des années, ce dirigeant d’extrême droite cache son homosexualité, qui finit par être révélée en 2014 par un magazine people. Au Front national, Philippot souffre aussi de l’emprise du clan Le Pen et surtout du patriarche Jean-Marie, qui ne l’a jamais considéré comme légitime. Besoin de revanche et de prendre seul la lumière, conviction que ce combat anti-passe sanitaire peut lui permettre de surmonter le barrage indispensable des 500 signatures d’élus locaux pour valider sa candidature à l’Elysée? Sa volonté ne fait en tout cas guère de doute. Quitte être pris en flagrant délit de contradiction: pour se rendre à un meeting en Italie cette semaine, Florian Philippot a dû brandir le document qu’il rejette avec tant de force, fruit selon lui du «covidisme» et de l’européisme: un passe sanitaire sous la forme d’un test antigénique. ■

«Même s’il est aux antipodes des «gilets jaunes», il espère récupérer un peu de leur «aura» politique.»

UN ANCIEN PROCHE DE FLORIAN PHILIPPOT

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2021-07-31T07:00:00.0000000Z

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