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Additifs alimentaires: alerte sur la toxicité du colorant E171

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a déclaré n’avoir pas pu écarter le risque génotoxique du dioxyde de titane en usage alimentaire. On le trouve notamment dans les M&M’s, les chewing-gums et de nombreux autres produits de grande consommation

L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a estimé jeudi que le dioxyde de titane, connu aussi comme le colorant E171, ne pouvait plus être considéré comme sûr en tant qu'additif alimentaire.

Le E171 se présente sous forme de poudre constituée de particules de dioxyde de titane. Il est utilisé dans divers aliments pour ses propriétés colorantes (pigment blanc) et opacifiantes.

Des M&M’s au Dafalgan

Dans un dossier paru en 2019, la Fédération romande des consommateurs (FRC) écrivait qu'«en Suisse, le dioxyde de titane est également présent dans des denrées alimentaires [ndlr: son utilisation est régie par le principe quantum satis – à savoir qu'aucune limite numérique maximale n'est fixée mais que la quantité employée ne doit pas être supérieure à celle nécessaire pour l'objectif visé], dans des médicaments et dans des cosmétiques. […] L'analyse de la FRC avait montré en 2018 la présence de nanoparticules de dioxyde de titane dans des M&M's et dans du chewing-gum Hollywood, mais également dans des comprimés de Dafalgan et dans un stick à lèvres Avène – risquant d'être avalé. Les dentifrices sont également problématiques, notamment pour les enfants.»

«En prenant en compte toutes les études et données scientifiques disponibles, le groupe a conclu que le dioxyde de titane ne peut plus être considéré comme sûr en tant qu'additif alimentaire», affirme un communiqué de l'EFSA, citant un haut responsable, le professeur Maged Younes.

«Un élément décisif pour arriver à cette conclusion a été que nous ne pouvions pas exclure les problèmes de génotoxicité après la consommation de particules de dioxyde de titane. Après une ingestion orale, l'absorption des particules de dioxyde de titane est faible, mais elles peuvent s'accumuler dans l'organisme», a-t-il ajouté. La génotoxicité désigne la capacité d'une substance chimique à endommager l'ADN, le matériel génétique des cellules, rappelle l'EFSA dans son communiqué, précisant qu'elle a mené cette évaluation à la demande de la Commission européenne.

Vers une interdiction?

L'agence européenne précise que son évaluation sert uniquement à la Commission et aux Etats membres, qui sont les seuls à pouvoir prendre une décision concernant l'utilisation de cet additif. Le Conseil supérieur de la santé belge considère par exemple que le dioxyde de titane est «un cancérigène possible (catégorie 2B)». De son côté, la France l'avait interdit l'année dernière comme additif alimentaire pendant un an. Des chercheurs avaient en effet établi que ce produit pouvait provoquer des lésions précancéreuses chez des rats de laboratoire.

L'UFC-Que Choisir (équivalent français de la FRC), qui redoutait que l'EFSA remette en cause l'interdiction en vigueur en France, s'est dite jeudi «satisfaite» de l'annonce de l'autorité européenne, tout en regrettant qu'elle ne concerne pas également la présence du dioxyde de titane dans les cosmétiques et les médicaments.

En Suisse, l'Office fédéral de la sécurité alimentaire disait en 2020 ne pas vouloir toucher au dioxyde de titane. «Vu l'état actuel des connaissances et les résultats attendus, une interdiction de cette substance en Suisse n'est pas justifiée.» Cette récente décision pourrait l'amener à revoir sa position.

De son côté, le Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc) appelle la Commission européenne à se saisir de l'avis de l'EFSA pour «proposer rapidement aux Etats membres d'interdire l'E171» dans l'ensemble de l'UE, à la suite de la France.

«L'additif E171 n'est pas nécessaire d'un point de vue technique, il est utilisé uniquement à des fins esthétiques, n'a aucune valeur nutritionnelle, ne permet pas aux aliments de se conserver plus longtemps», a observé Camille Perrin, une experte du Beuc. «En bref, il n'apporte aucun bénéfice aux consommateurs, et comme l'exemple de la France l'a montré, les producteurs de l'agroalimentaire arrivent très bien à s'en passer», a-t-elle conclu. ■

La génotoxicité désigne la capacité d’une substance chimique à endommager le matériel génétique des cellules

Science

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2021-05-08T07:00:00.0000000Z

2021-05-08T07:00:00.0000000Z

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