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L’UE déroule le tapis rouge à l’Inde

RAM ETWAREEA @rametwareea

Les dirigeants européens et indiens se rencontrent au plus haut niveau ce samedi. Ils pourraient lancer un vieux projet d’accord de libre-échange ainsi qu’un projet d’infrastructures. New Delhi intègre ainsi un peu plus le front qui veut contenir la montée en puissance de son voisin et rival chinois

Les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Suivant cet adage, l'Inde tourne encore un peu plus le dos à son voisin chinois et avance sur le tapis rouge que lui déroulent les Etats-Unis et l'Union européenne (UE). Ce samedi en l'occurrence, ce sont les dirigeants européens au plus haut niveau qui s'entretiendront avec le premier ministre indien, Narendra Modi, en mode virtuel. Le plan original était de le recevoir en grande pompe à Porto, la ville portuaire d'où sont partis les premiers Portugais fonder leur colonie indienne, en 1505. Pour Lisbonne, ce sommet devait être le point culminant de sa présidence de l'UE de janvier à juin 2021, mais le Covid-19 a joué les trouble-fêtes.

Voici pour la forme. Sur le fond, le sommet indo-européen a lieu quelques jours à peine après que Bruxelles a suspendu la procédure de ratification de l'accord sur les investissements avec la Chine. Lorsqu'il avait été signé le 25 janvier dernier après des années de négociations, il avait été qualifié d'«ambitieux», plus particulièrement pour les entreprises européennes, qui allaient bénéficier d'un plus large accès au plus grand marché au monde.

On peut parier que cet accord est enterré. Les Etats-Unis et l'UE ont invité New Delhi à participer à une série d'initiatives visant à contenir la montée en puissance politique et économique de la Chine. Par exemple, New Delhi est partie prenante, avec Washington, Canberra et Tokyo, du groupe dit «Quad» mis en place pour contrebalancer la présence chinoise dans la zone océanique indo-pacifique. L'UE devrait rejoindre le mouvement.

Narendra Modi ne rentrera pas vraisemblablement les mains vides du Sommet de Porto. Il y aura d'abord de l'aide pour soutenir l'effort indien pour faire face à la pandémie, qui ne décélère pas; elle a fait 3915 morts vendredi, sur un total de 241 000 comptabilisés depuis janvier 2020.

Mais, pour le long terme, il sera question de rouvrir le chantier d'un accord bilatéral de libreéchange. A présent, l'Inde est le dixième partenaire commercial de l'UE, loin derrière la Chine, qui occupe la première place. «Les Européens réalisent que l'Inde est un meilleur partenaire que la Chine, fait remarquer Amit Joshi, professeur en intelligence artificielle, analytique et stratégie à l'IMD, école de management pour cadres à Lausanne. Culturellement, les Indiens sont plus proches des Européens.»

«L'économie indienne reste attractive, poursuit Amit Joshi. Elle ne sortira certes pas indemne de la crise sanitaire et le produit intérieur brut, estimé à 11-12% pour 2021, est déjà révisé à la baisse.» Mais, selon lui, la pandémie, pour autant qu'elle soit contenue ces prochains mois, n'occasionnera pas de conséquences à long terme. «Par contre, elle aura mis en lumière les faiblesses structurelles du pays, dit-il. Le dégât d'image est fait, mais c'est l'occasion de mettre de l'ordre dans la maison.»

Base manufacturière alternative à la Chine

Pour Amit Joshi, l'Inde reste une base manufacturière attractive et une alternative à la Chine pour les entreprises européennes. Elle est aussi un marché qui ne cesse de croître.

Soit. Ce n'est pas la première fois que l'Inde et l'UE évoquent un projet d'accord de libre-échange. Les derniers pourparlers en 2013 avaient échoué à cause de positions irréconciliables. Sur la propriété intellectuelle par exemple. L'Inde n'admet pas la pratique dite «Evergreening» de l'industrie pharmaceutique, qui consiste à tenter de prolonger la période de protection des brevets en ajoutant un nouvel élément peu significatif à un médicament existant.

Pour sa part, l'UE est opposée au principe dit de «Mode 4» qui prône la libre circulation des travailleurs dans le domaine des services. New Delhi revendique ce droit, notamment pour ses informaticiens.

Autre projet d'envergure qui est à l'agenda du sommet: financer la construction de routes, rails, ponts et autres infrastructures, sur le modèle de la nouvelle Route de la soie promue par la Chine. Pour Amit Joshi, si ce projet permet déjà d'améliorer le fonctionnement des ports et aéroports indiens, ce sera toujours ça de gagné.

Economie

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2021-05-08T07:00:00.0000000Z

2021-05-08T07:00:00.0000000Z

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