Le Temps epaper

Les langues se délient autour du Code d’intégrité de SGS

RICHARD ÉTIENNE @RiEtienne

Plusieurs témoins, dont un ancien cadre de la multinationale genevoise qui a porté l’affaire devant les tribunaux, estiment que les mécanismes visant à lutter contre la corruption au sein de l’entreprise sont trop laxistes. La direction de SGS réfute

La tension monte dans le cadre de l'affaire Thomas K. Cet ancien cadre de SGS laisse entendre que la «corruption est généralisée» au sein de l'institution genevoise fondée en 1878 et recensant près de 90000 employés. Le quinquagénaire allemand réclame une indemnité de départ, après avoir été licencié, selon lui parce qu'il a dénoncé quatre cas dans lesquels il soupçonne d'éventuelles pratiques corruptives. Au Tribunal des prud'hommes de Genève, auquel il s'est adressé, Thomas K. dit avoir des doutes sur treize cas en tout, sans les étayer. Il estime que le «Code d'intégrité» de SGS, qui doit permettre de lutter contre toute forme d'abus, est souvent une «façade».

«L’investissement dans tout ce qui est conformité est largement insuffisant pour un groupe de cette taille, SGS a des bons outils, mais ils ne sont pas bien utilisés»

UNE SOURCE INTERNE

Aurait-il brisé une loi du silence? C'est ce que laissent entendre ses avocats, alors que de nombreux messages, notamment d'anciens collègues, lui ont été adressés, visant à le soutenir dans sa démarche, mais aussi pour alerter sur d'autres exemples douteux. Trois d'entre eux ont été transmis au tribunal.

Contrôles jugés laxistes

Une personne rappelle ainsi que SGS avait été cité dans le cadre de faux certificats liés à la qualité du charbon d'une mine du groupe Terracom, en Australie, il y a un an. D'anciens employés de SGS ont évoqué des contrôles laxistes, notamment face au risque de corruption important dans certains pays. «L'investissement dans tout ce qui est conformité est largement insuffisant pour un groupe de cette taille, SGS a des bons outils, mais ils ne sont pas bien utilisés», indique une source interne, qui ne se dit guère surprise par les propos de Thomas K. «Quand une alerte est donnée, le chef de la conformité décide s'il faut enquêter ou non, mais on ne sait pas comment il choisit, ça manque de transparence.»

«Les propos de Thomas K. sont plausibles sur les quatre cas dont il parle, selon un autre ancien employé. Lorsqu'un cadre sonne l'alerte, il doit y avoir une investigation. S'il y en a, elle doit être sérieuse et Thomas K. aurait dû être tenu au courant.»

Du côté de SGS, les propos sont tout autres. La direction réfute en bloc les accusations de Thomas K. Elle indique qu'il a été remercié à la suite de mauvaises performances. Elle explique n'avoir fait l'objet d'aucune enquête externe en Australie en lien avec Terracom.

Le chef de la conformité de SGS dit recevoir un certain nombre d'alertes par année, signe que le Code d'intégrité est bien utilisé. Ce dernier comporte, selon lui, une ligne d'alertes («whistleblowing helpline») qui permet à tout employé de faire part de signalements, sans crainte de rétorsion, et notamment de manière confidentielle. «Thomas K. n'a pas soulevé la moindre alerte avant la fin des rapports de travail et l'initiation de la procédure prud'homale. Les faits en question ont été l'objet d'enquêtes internes qui n'ont révélé aucune problématique, et il en a été informé dans la mesure appropriée. Il ne dit pas la vérité lorsqu'il prétend le contraire», indiquent les avocats de SGS.

Arrestation à Cointrin

Le patron de SGS en Egypte a d'ailleurs été arrêté après une telle alerte, il y a quelques années, selon nos informations. Le contrôleur financier du groupe dans cet Etat africain avait dénoncé ses pratiques douteuses, ce qui avait conduit à son arrestation par la police genevoise à sa descente d'un avion à Cointrin. En 2018, au tour du patron de SGS au Brésil d'être licencié à la suite d'une telle alerte. L'homme avait maquillé les comptes de la société pour faire croire qu'une acquisition avait généré des bons chiffres.

Le Code d'intégrité a été mis en place il y a plusieurs années à la suite d'une affaire de blanchiment d'argent au Pakistan dans les années 1990. Au Tribunal des prud'hommes à Genève, les audiences ont débuté en février et la prochaine, qui verra les avocats de SGS questionner Thomas K., est prévue à fin mai. ■

Economie

fr-ch

2021-05-08T07:00:00.0000000Z

2021-05-08T07:00:00.0000000Z

https://letemps.pressreader.com/article/281784221966175

Le Temps SA